
Et voilà qu’un jour notre cher corps, auquel nous sommes assez indifférents, décide de susciter notre attention et de devenir une source de mal-être. Quand la douleur ne veut plus partir et qu’elle s’empare de nous, rien n’est plus comme avant…
Elle devient un problème pour nous, à partir du moment où elle envahit notre quotidien, affectant nos activités et nos liens avec les autres. Ces douleurs ressenties de manière régulière, appelées douleurs chroniques, modifient très souvent notre humeur, notre personnalité et nos comportements. Et pour les avoir bien vécues en 2017, je les considère comme un véritable frein au bien-être et à l’accomplissement de soi, même si bien sûr, cela dépend de l’intensité et de la fréquence des douleurs.
Les douleurs chroniques toucheraient environ 20 millions de Français, c’est-à-dire presque 30% de la population française. Certaines études ont montré qu’elles étaient néfastes pour notre santé mentale, activant des cellules immunitaires locales (microglie), hypersensibilisantes et générant une neuroinflammation (https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1169833021001861).
Malheureusement, cette inflammation a tendance à s’étendre dans notre cerveau (cytokines inflammatoires, amygdale en alerte…), ce qui dérègle notre système immunitaire ainsi que tous les autres systèmes sur le long terme.
Ce que je trouve incroyable aujourd’hui dans ce domaine, ce sont surtout les multiples moyens utilisés pour tenter de réduire ou supprimer les douleurs chroniques : anti-inflammatoires, divers médicaments, moyens technologiques (implants, stimulations électriques), compléments alimentaires…
Mais avant d’expérimenter tout cela, si nous sommes douloureux chronique, nous pourrions peut-être nous demander s’il y a des raisons pour que notre corps se manifeste de cette manière ? Pourquoi nous envoie-t-il tous ces signaux aussi gênants et encombrants ?
Faut-il en comprendre quelque chose ? La douleur chronique a-t-elle un sens ?
Dans ce nouvel article, j’ai choisi de vous parler d’un sujet que je connais très bien, de par mon expérience personnelle de douloureux chronique vécue il y a quelques années.
Dans un premier temps, je définirais la douleur de la manière la plus simple possible, pour ensuite aborder le caractère chronique de la douleur, tout en exposant ses principales causes. Puis, dans la troisième partie, je vous donnerais mon point de vue concernant les solutions médicamenteuses et technologiques actuelles, qui ne remplacent toujours pas les fondamentaux de l’hygiène de vie !
Enfin, en conclusion, je n’oublierais pas de préciser que la douleur est quasiment inévitable et qu’il faut également nuancer ce sujet car chercher à éviter toute forme de souffrance n’est pas vraiment naturel. Il est bon de noter que de nombreuses personnes ont utilisé leur souffrance comme un moteur pour atteindre des objectifs qui en ont valu la peine, et non pas comme un poids que l’on traîne derrière nous…
1) Qu’est-ce que la douleur ?
Pain Society aux États-Unis et l’Association internationale pour l’étude de la douleur la définissent comme une sensation désagréable sur les plans sensoriels et émotionnels, générée par une lésion tissulaire présente ou potentielle. La douleur est connue pour être un signal d’alarme, alertant l’organisme lorsque l’un de ses systèmes ne fonctionne plus correctement.
Pour mieux la définir, il faut préciser que le mécanisme physiopathologique de la douleur réside en un excès de nociception. Toute lésion, infection, processus inflammatoire, ou stress important, stimule les « capteurs de la douleur », les nocicepteurs. Ces derniers ont la capacité de détecter, de percevoir et de coder l’intensité des stimulations. Si la stimulation dépasse le seuil d’activité de ces récepteurs, un message nerveux est transmis au cerveau qui réagit en générant une douleur ressentie au niveau de la partie atteinte.
Donc, en réalité, la douleur n’existe pas réellement en tant que telle puisqu’elle est produite par l’activité cérébrale.
La douleur fait partie intégrante de nos mécanismes de survie et les messages nociceptifs sont en permanence modulés par des systèmes régulateurs. La théorie du « Gate control », du chercheur et psychologue canadien Ronald Melzack, expose l’implication de mécanismes neuronaux commandés par le cerveau, jouant le rôle d’un système actif qui filtre, sélectionne, et module les stimulations qu’il reçoit. Le cerveau dispose d’un réseau neuronal appelé « neuromatrice », qui intègre de multiples entrées afin de produire le modèle de sortie qui évoque la douleur. Cela dit, les cornes dorsales de la moelle épinière ne sont pas non plus de simples stations de transmission passive, mais des sites d’inhibition, d’excitation et de modulation.
Cette expérience, bien qu’elle soit frustrante dans la majorité des cas, est un signal d’alarme donnant une expression sensorielle et émotionnelle immédiate, avec un rôle d’incitation pour l’être humain. Son but est de prévenir l’individu d’un danger portant atteinte à son intégrité, pour qu’il puisse changer son état actuel.
La douleur n’est donc pas une fin en soi ou une expérience pénible insensée… Elle est juste un message que l’on doit décrypter pour au final mieux comprendre nos besoins.
Si nous avons mal quelque part, c’est que notre organisme nous invite à nous rendre compte d’une anomalie qui ne devrait pas passer inaperçue.
2) Douleur chronique et cycle de l’inflammation
En plus d’altérer notre qualité de vie, le caractère chronique de la douleur engendre une hyperactivation du cycle de l’inflammation.
Lors de lésions tissulaires, des substances allogènes endogènes sont libérées en cascade (potassium, hydrogène, sérotonine…), ce qui crée une réaction inflammatoire et une activation des nocicepteurs chimiques. La sécrétion conséquente de prostaglandines (cytokines) et de leucotriènes (lipides) aboutit à la sécrétion de la substance P, celle qui est la plus engagée dans la transmission de la douleur. Cet enchainement d’événements successifs donne une inflammation neurogène et, si cela perdure, on pénètre dans le cercle vicieux de l’inflammation chronique. Ce cercle vicieux est la porte d’entrée de nombreuses maladies telles que la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn ou encore la spondylarthrite ankylosante.
Et enfin, on y vient.
Comment en arrive-t-on à avoir toutes ces douleurs en permanence ?
La réponse est simple : lorsque fréquemment, on ne respecte pas certaines lois fondamentales du corps humain telles que les schémas moteurs, l’homéostasie, ou encore le principe de progressivité. Les maux que nous ressentons sont principalement liés à nos mauvaises postures, aux activités trop répétitives ou trop stressantes (sport, travail, jardinage…), à une mauvaise hygiène de vie (mauvaise alimentation, forte consommation de tabac ou d’alcool…), à des fascias trop raides, ou encore liés à un déséquilibre d’ordre psycho-émotionnel. Et d’ailleurs, la plupart du temps, dans le cas de la douleur chronique, plusieurs de ces facteurs s’additionnent.
Il y a donc plusieurs choses à comprendre :
– Nous sommes tous dotés d’un corps qui peut performer, et cela dépend de plusieurs paramètres, mais nous ne sommes pas non plus des machines. Naturellement, notre corps a des limites physiologiques comme des capacités de gestion de stress et d’adaptation limitées, par exemple. On pourrait très bien nous représenter tel une « jauge » de performance globale qui peut certes s’entretenir et s’augmenter, mais pas de manière illimitée.
– Nous sommes faits pour bouger régulièrement. Il est donc tout à fait normal d’avoir un pourcentage aussi élevé de douloureux chroniques dans une société moderne et sédentarisée comme la nôtre.
– Nous ingérons pour beaucoup d’entre nous, de nombreuses substances qui ne devrait pas être ingérées ou de manière raisonnée. Nous mangeons encore trop souvent des aliments industriels transformés, riches en sucres, en sel, et pauvres en nutriments. Sans oublier les substances comme le tabac, l’alcool et les drogues…
– Nous passons un temps considérable derrière nos écrans ce qui nous amène des problèmes de posture, que nous associons parfois à un travail physique ou à une activité sportive intense. Autrement dit, nous bougeons et faisons travailler un corps qui ressemble de plus en plus à la Tour de Pise ! En plus de cela, les écrans dérèglent notre vie émotionnelle en nous éloignant d’une vie sociale normale, qui devrait être à la base physique, émotionnelle, chimique, etc.
Tous ces sujets sont complexes et dans cet article, je ne rentrerai pas dans les détails.
Retenez juste que la meilleure chose à faire est de rester à l’écoute de ses sensations et des messages que notre corps nous envoie. La douleur ne survient jamais sans cause initiale et si nous fouillons dans nos habitudes de vie ou dans notre passé, nous finirons par trouver l’élément déclencheur et perturbateur.
Et une fois que vous serez informé, vous vous en doutez, il faudra agir dans le sens inverse !
3) Technologies, médicaments et douleurs chroniques

« Oui, ils sont efficaces pour réduire mes douleurs chroniques, j’ai moins mal maintenant, je me sens mieux… », diront certaines personnes sous anti-inflammatoires.
Mais ne plus avoir mal suite à une prise de médicaments ne rime pas forcément avec guérison.
Les anti-inflammatoires sont efficaces pour remplir leur seul et unique rôle : ils réduisent l’inflammation. Pour ce faire, ils agissent sur les hormones qui génèrent l’inflammation et sur les sensations nerveuses de la douleur. Leur problème, c’est qu’ils bloquent un processus fondamental et nécessaire à la régénération du corps et des tissus. Et ils ont des effets secondaires bien connus : hypotension artérielle, risque augmenté de crise cardiaque et d’AVC, irritations de l’estomac, augmentation de la porosité intestinale, baisse de la fertilité chez les femmes, baisse de la testostérone chez les hommes…
Les myorelaxants, quant à eux, permettent de détendre les muscles mais ils n’ont aucune action sur les adhérences et les trigger points. Cela veut dire qu’ils n’améliorent pas la qualité du tissu musculaire et au sens large, fascial ; ils ne corrigent pas non plus la posture ! Des effets secondaires sont aussi à prévoir.
Les antidépresseurs sont… « zombifiants ». Parfois, ils sont utilisés dans le traitement de la douleur chronique car ils diminuent la transmission du message douloureux vers le cerveau. En revanche, ils n’apportent aucun savoir concernant le problème que nous avons, aucun savoir concernant l’origine du problème… Si nous avons des douleurs chroniques, ce n’est pas parce que nous manquons de chance dans la vie !
En 2017, j’ai également testé différentes marques et produits de compléments alimentaires ce qui m’a permis de clairement identifier ceux qui m’ont aidé, de ceux qui ne m’ont pas aidé. Les premiers ne remplaceront jamais l’activité physique, le sommeil, une alimentation anti-inflammatoire, les automassages, les mobilisations et les étirements. Ils restent des « compléments » et ne sont pas des substituts, y compris dans le cas de la gestion de la douleur chronique.
Et à propos des solutions technologiques ?
Pour répondre à la problématique des effets secondaires présents dans tous les médicaments cités plus haut, il existe maintenant des solutions technologiques, de neuromodulation :
– la neurostimulation médullaire consiste à placer un implant au niveau de la colonne vertébrale, donnant des impulsions électriques qui empêchent le signal de la douleur d’atteindre le cerveau.
– la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) transmet des impulsions électriques proches de la zone douloureuse grâce à des électrodes non invasifs placés sur la peau. Son but est de masquer le signal douloureux durant la séance de stimulation.
– la stimulation magnétique transcrânienne (RTMS) correspond à l’induction d’un champ électromagnétique agissant sur l’activité électrique du cerveau et sur son fonctionnement. Une bobine non invasive est placée proche du crâne du patient, modulant « l’excitabilité » et réduisant la perception du message douloureux.
Ces traitements technologiques sont particulièrement utilisés dans le cas de la douleur chronique neuropathique, c’est-à-dire dans le cas d’une douleur causée par l’atteinte d’un ou plusieurs nerfs.
Dans un article précédent (Comprendre l’autophagie et le renouvellement cellulaire), j’ai démontré l’intérêt de l’activité physique ainsi que du jeûne intermittent pour régénérer une grande majorité des tissus de notre organisme, dont les nerfs font parti. Et d’après vous, sera-t-il suffisant de masquer ou de réduire la douleur pour aider un nerf lésé à se régénérer, ou plus généralement, pour ne pas subir les conséquences de la sédentarité et de la position assise ?
En réduisant le signal de la douleur, arriverons-nous enfin à régler le problème de fond ? Ne risquerons-nous pas de compenser par d’autres problèmes, comme j’ai pu le faire de nombreuses années lorsque je n’écoutais pas les signaux de la douleur ?
Conclusion :
Les causes les plus courantes des douleurs chroniques sont les adhérences, les nœuds de tension, et les décentrages articulaires, qui caractérisent le manque de mobilité. Viennent ensuite une mauvaise alimentation, la consommation trop fréquente de substances pro-inflammatoires, ou encore un déséquilibre émotionnel qui influence fortement la chaine antérieure profonde.
Toutes ces douleurs tiennent à vous signaler qu’il y a quelques chose qui cloche dans votre vie et depuis trop longtemps maintenant… En tant qu’amies.
Cependant, la douleur est quasiment inévitable et il faut préciser que chercher à éviter toute forme de souffrance n’est pas vraiment naturel. De plus, de nombreux sportifs et personnalités à succès ont utilisé leur souffrance du passé pour se propulser et atteindre des objectifs ambitieux. Cette approche est légèrement différente mais elle utilise également la douleur comme « une nécessité de changer », et finalement, c’est presque toujours la même force qui motive le malade pour guérir.
Dans tous les cas, c’est en vous écoutant que vous développerez l’introspection, une qualité fondamentale pour vous faire évoluer. Les solutions masquant les douleurs de vos problèmes sont, par nature, des solutions incomplètes !