
Dans le domaine de la santé, les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) seront probablement les principaux moteurs et les futurs responsables des nombreux changements qui nous attendent au cours des prochaines décennies.
En plus de modifier nos comportements et nos rapports aux autres, ces technologies et disciplines innovantes transformeront également le quotidien de nos professionnels de santé, et c’est précisément sur cet aspect que je vais me focaliser ici, dans cet article.
La loi de Moore, créée en 1965 par le cofondateur d’Intel Gordon Moore, définit la croissance des nouvelles technologies comme une croissance exponentielle et non linéaire. Cette loi nous informe que le nombre de transistors, composants électriques de base de nos ordinateurs, double en moyenne tous les deux ans !
Malgré un ralentissement de sa progression depuis 2014, qui était prévu par Gordon Moore, la loi de Moore n’a pas fait défaut depuis sa première publication dans le magazine « Electronics » en 1965 et compte reprendre ses droits avec l’arrivée des puces électroniques gravées en 2 nm d’IBM. En matière d’innovation, cette loi risque de produire des changements de plus en plus radicaux et de plus en plus rapides.
Le célèbre économiste Joseph Schumpeter (1833-1950) a démontré que pour maintenir la pérennité de la croissance économique dans un pays, deux éléments étaient absolument indispensables : l’innovation et le progrès technique.
Il explique que ces deux éléments créent une transformation du marché de l’emploi et parle de « destruction créatrice » des emplois et des entreprises. L’innovation et le progrès technique détruisent, certes, des emplois, mais cette destruction en créée d’autres et ce phénomène s’est toujours manifesté dans le passé depuis la première révolution industrielle. Il est bon de noter que ces bouleversements s’accompagnent très souvent d’une hausse du niveau de vie de la population dans de nombreux pays.
Le marché de l’emploi va donc évoluer et cette évolution sera progressive c’est-à-dire que tous les métiers ne vont pas être remplacés du jour au lendemain par l’IA ou les robots. Rassurez-vous ! Certains spécialistes pensent que l’homme sera un jour remplacé par la machine mais d’autres pensent le contraire et considèrent que l’IA et les robots fonctionnent beaucoup mieux lorsqu’ils sont guidés par l’Homme. L’IA seule n’a pas de conscience et a besoin d’être programmée.
De mon côté, je pense que nous devrions sérieusement réfléchir avant de se lancer tête baissée dans certaines formes d’IA, comme les chatbots, que nous verrons plus loin, mais malheureusement tout le monde n’aura pas vraiment l’envie ou le cœur à y réfléchir…
En tout cas une chose est sûre, les NBIC impacteront nos métiers et pour l’instant cela se manifestera surtout à l’intérieur des métiers ; et pour qu’une personne s’y adapte, il lui faudra nécessairement être flexible, informée et formée aux métiers du futur.
Autrement dit, c’est son adaptabilité et sa capacité à anticiper l’avenir qui lui permettra de trouver une solution à un problème donné, dans un environnement de plus en plus complexe. Et c’est la raison d’être de cet article !
Voici donc 5 exemples de tendances majeures qui vont redéfinir notre façon de travailler dans le domaine de la santé.
I ) Les analyses génomiques

Associés au dossier médical personnalisé, les tests génétiques ont le potentiel de rendre la médecine de demain beaucoup plus précise et plus efficace. Le médecin généraliste pourra prendre en compte les particularités génétiques de l’individu ainsi que sa biologie de système (informations et interactions des différents systèmes biologiques entre eux) et redirigera ensuite vers des spécialistes tels que les kinés, les coachs sportifs, les psychothérapeutes, etc.
Ces acteurs de la santé « préventive » auront du travail et devront interagir avec les médecins, mais peut-être aussi à l’avenir avec des entreprises spécialisées dans l’analyse génomique…
Grâce à la réduction du coût du séquençage de l’ADN, ces sociétés spécialisées ont énormément progressé ces dernières années et les leaders du domaine ont réussi à enrichir leur base de données qui comprennent pour certaines les données génomiques de plus de 8 millions de personnes ! Actuellement, nous pouvons réaliser un test génétique ciblé pour environ 80 euros, et aux alentours de 1000 euros pour un séquençage complet. Ces nombreuses données visent à regrouper les variations génétiques similaires des individus dans le but de les relier ensuite à des pathologies et améliorent en retour la qualité des prestations de ces entreprises. Les tests génétiques suscitent l’intérêt de nombreuses personnes dans le monde y compris en France où l’on comptabilise environ 150 000 tests génétiques réalisés par des Français chaque année, mais à l’étranger !
En effet, la majorité des Européens peuvent désormais accéder à leurs propres séquences génomiques mais en dehors des tests médicaux, judiciaires ou de paternité, le test génétique reste toujours interdit en France pour des raisons éthiques et de confidentialité.
La loi de bioéthique est révisée tous les 7 ans et l’intérêt des Français pour ce genre de test est croissant. Les tests génétiques se développeront probablement dans un futur proche et la médecine sera de plus en plus personnalisée.
II ) La robotisation
Le nombre d’opérations effectuées par des robots chirurgiens augmente mais les robots coûtent cher et les hôpitaux privilégient parfois d’autres formes d’investissements plus économiques. Da Vinci, par exemple, de la société Intuitive Surgical, est le robot chirurgical le plus vendu et le plus utilisé dans le monde. Néanmoins, il coûte 2 millions d’euros et ses coûts de maintenance s’élèvent à hauteur de 150 000 euros !
Les robots chirurgiens sont globalement plus performants et ont un taux d’erreurs beaucoup plus bas que nous. Ils permettent à cette nouvelle chirurgie d’être plus précise et moins agressive pour les tissus ce qui améliore la récupération post-opératoire des patients (https://www.chu-rouen.fr/le-robot-chirurgical-teleoperatoire/avantages-chirurgie-robot-assistee/). Mais il faudra obligatoirement réduire leurs coûts si l’on souhaite les voir davantage aux côtés de nos professionnels de santé.
La majorité des robots ont besoin d’être manipulés par des chirurgiens formés et compétents mais sachez que depuis peu, certains robots sont devenus autonomes (https://www.europe1.fr/technologies/voici-les-premiers-robots-chirurgiens-capables-doperer-seuls-4025411).
À une échelle plus petite, la bionique fait déjà des miracles et progresse constamment : bras artificiels, pacemakers, implants intracérébraux, rétines artificielles ou implants télécommandés… En fusionnant des éléments électroniques aux tissus de notre organisme, cette technologie redonne énormément d‘espoir aux non-voyants, aux tétraplégiques, aux amputés ou aux patients atteints d’insuffisance cardiaque.
Les chirurgiens du futur devront être formés à l’utilisation des robots chirurgiens, aux opérations chirurgicales d’hybridation ainsi qu’à l’utilisation des nouvelles technologies du type capteurs de santé/outils intelligents qui faciliteront et amélioreront considérablement le travail des médecins.
III ) Les objets connectés

La santé connectée a un bel avenir devant elle ! Et pour cause ! Ce marché est en pleine expansion et les objets connectés se comptent à plus de 11 milliards aujourd’hui dans le monde (https://iot-analytics.com/state-of-the-iot-2020-12-billion-iot-connections-surpassing-non-iot-for-the-first-time/).
Les produits et services connectés les plus vendus que nous connaissons tous sont bien entendu les montres connectées et les applications mobiles mais récemment d’autres produits ont fait leur apparition : les chaussures et les vêtements intelligents, les tensiomètres électroniques pour mesurer la tension, dans le sport les haltères connectés ou encore les scalpels intelligents en chirurgie.
Le principal intérêt de ces technologies réside dans le fait qu’elles mesurent de nombreux paramètres santé et c’est pour cette raison qu’elles seront de plus en plus utilisées par nos praticiens de santé.
Prenons l’exemple d’un coach sportif.
Son travail sera et devrait déjà être personnalisé !
Souvenez-vous de cette fameuse séance d’abdos en musculation et de votre dos les jours qui ont suivi… Tout comme d’autres exercices, les crunchs ne sont pas adaptés pour tout le monde et les cours collectifs deviendront peut-être obsolètes. Un bon coach vous le dira : chaque personne est unique car elle n’a pas le même vécu. L’IA prendra en compte beaucoup plus de données à travers des biocapteurs et des dispositifs portables concernant les antécédents et les blessures du sportif, sa posture, sa souplesse et la qualité de ses tissus, son niveau actuel et son état de fatigue… Certaines montres connectées peuvent déjà prédire la survenue d’un éventuel accident cardiovasculaire ! Toutes ces données aideront les coachs dans leur travail et amélioreront les performances des sportifs qui seront entourés d’objets de plus en plus sophistiqués.
À terme et en étant programmée, l’IA proposera très certainement des solutions adaptées pour le sportif.
IV ) Les chatbots
Les plus conservateurs sont convaincus que les assistants virtuels ne dépasseront jamais l’intelligence humaine car ils n’ont aucune créativité et n’arrivent pas à contextualiser l’information. Des avis intéressants mais réalisés par des personnes qui sont souvent réfractaires à l’IA dès le départ… D’autres pensent le contraire, notamment les entreprises qui n’hésitent pas à s’en servir pour réduire leurs dépenses liées au service client.
Je pense qu’il vaut mieux rester rationnel à ce sujet, du mieux que nous le pouvons, et envisager toutes les possibilités.
Les chatbots basés sur l’IA sont spécifiquement paramétrés pour dialoguer et optimiser les échanges avec les êtres humains. Ils nécessitent une assez longue configuration mais une fois programmés ils restent toujours disponibles et répondent rapidement aux questions des internautes et clients. Certains sites proposent des chatbots par abonnement mensuel et d’après eux, les chatbots sont aussi bien capables de revenir à une phrase ou à une idée antérieure dans une conversation que d’en saisir le sens global et savent très bien décrypter la subtilité de notre langage.
Sont-ils suffisamment intelligents dans ce domaine ? La réponse à cette question est subjective et pour vraiment s’en rendre compte, la meilleure solution est de les essayer ! A la pointe de ces technologies, vous trouverez l’assistant de Google, Cortana de Microsoft ou encore Alexa d’Amazon.
Théoriquement, ils seront de plus en plus compétents et quand on voit les prix de certains services, ils ont de quoi nous faire un peu peur, je vous l’accorde…
Pour le moment, les chatbots sont bons et rentables lorsqu’ils sont bien programmés et utilisés dans un but précis. Ils sont donc limités et dépendants des êtres humains.
V ) Les algorithmes de perception d’images
En se basant sur une quantité massive d’images que l’homme ne peut pas analyser (plus de 80 000 images : https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2728630), les algorithmes de perception d’images surpassent déjà l’homme grâce au deep learning, une méthode d’apprentissage de l’intelligence artificielle qui s’inspire du fonctionnement du cerveau humain.
Dans ce domaine, les discours pessimistes ne manquent pas mais nombreux sont les spécialistes qui pensent que ces algorithmes ne remplaceront pas les secteurs les plus vulnérables faces à l’IA, comme la radiologie, qui est souvent citée. L’échographie a fait son apparition dans les années 1950 et le premier Scanner IRM fonctionnel a été réalisé dans les années 1990.
La radiologie a déjà subi plusieurs innovations technologiques dans le passé et ces dernières n’ont pas remplacé les radiologues !
En revanche, ces mêmes spécialistes tiennent des propos beaucoup plus fermes concernant la nécessité pour les radiologues de s’adapter et d’utiliser les algorithmes dans leur profession. Selon eux, je cite : « les radiologues qui utilisent l’IA remplaceront ceux qui ne l’utilisent pas ».
Ces mordus de l’IA sont convaincus que la complémentarité homme-machine sera plus performante que l’IA seule car le médecin devra conserver le dialogue avec son patient et avec les autres thérapeutes.
Conclusion :
Malgré les progrès de certaines sociétés dans la reconnaissance de nos émotions et de nos traits de caractère, l’IA semble actuellement limitée pour contextualiser les données et converser intelligemment avec nous. Elle est dépendante et a besoin d’être programmée par des êtres humains.
De plus, nous avons fondamentalement besoin des autres et nous en reparlerons !
L’IA reste malgré tout la reine du traitement de données et elle sera utilisée dans ce sens. En constante évolution, elle est une menace pour certains métiers et risque de remplacer progressivement des métiers à tâches répétitives qui n’auront pas besoin de notre créativité ou de notre prise de recul.
C’est pourquoi nous devrions être un minimum à l’affût dans le domaine des NBIC et je vous donnerai régulièrement des informations qui vous permettront d’anticiper et de vous adapter à ces futurs changements.
Mais nous oublions aussi parfois que NOUS sommes les acteurs de ces « futurs changements ». L’IA reste un produit de consommation et nous sommes les consommateurs de l’avenir. A nous de poser nos limites car si nous souhaitons garder notre relation au corps physique et nos relations aux autres (déjà attaquées par le progrès) il va falloir faire des choix conscients en tant que consommateur.